Le harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel, est une forme de violence d’autant plus dommageable qu’elle est insidieuse. Il est particulièrement répandu dans le cadre du travail. La loi met donc à la charge de l’employeur une obligation de prévention, et prévoit de lourdes sanctions contre les coupables.
Qu’est-ce que le harcèlement moral ?
Le harcèlement moral se manifeste par des propos ou comportements ayant pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de :
- porter atteinte à ses droits et à sa dignité,
- d’altérer sa santé physique ou mentale,
- ou de compromettre son avenir professionnel (article L. 1152-1 du Code du travail).
Il n’est pas nécessaire qu’il y ait une relation hiérarchique entre l’auteur des faits et la victime pour que le harcèlement soit caractérisé.
Le harcèlement moral peut prendre plusieurs formes (liste non exhaustive) :
- des persécutions, des brimades, des mesures vexatoires (Cass soc 22 juin n°10-30.329)
- « le fait de modifier de façon répétée le contenu des fonctions du salarié et de tenter de le supprimer de l’organigramme, tout en lui retirant des collaborateurs » (Cass soc 30 mars 2011 n°09-41.583)
- « les mauvaises conditions matérielles de travail, comme d’installer un salarié dans un bureau aux dimensions restreintes, en lui confiant des missions sans rapport avec son métier » (Cass soc 10 nov. 2009 n°07-42.849)
- « la mise en scène d’une « disparition » du salarié en le privant brutalement de responsabilités et d’accès à son bureau vidé de ses affaires personnelles, puis en l’installant dans un bureau commun partagé, sans ordinateur, avec des missions déconsidérées » (Cass soc 29 juin 2011 n°09-69.444)
- une méthode de management consistant à mettre une pression continuelle, faire des reproches incessants
- donner des ordres et contre-ordres dans l’intention de diviser l’équipe
- une mise à l’écart ou à l’isolement
- une communication par tableaux, absence de communication orale
- mépris affiché entrainant un état dépressif
- le fait de confier des tâches dépourvues de sens ou sans rapport avec les fonctions et les compétences du salarié
- « le déclassement d’un salarié après un retour de congé, fait concomitamment à un retrait de responsabilités sans qu’il n’en ait été préalablement informé » (Cass. soc 4 juill. 2012 n°11-17.986)
- « le déclassement d’un salarié au profit de son subordonné, le discrédit jeté sur lui, l’empêchant d’exercer sereinement ses fonctions, ainsi que les propos agressifs et humiliants tenus à son égard lors d’une réunion qui se déroulait avec le PDG » (Cass soc 11 juill. 2012 n°11-19.971)
- « le fait de couper la ligne téléphonique d’un salarié alors qu’il est en arrêt de travail et de mettre en cause sa loyauté à l’égard de la direction sans justification objective » (Cass. Soc. 24 oct. 2012 n°11-19.862)
- « le fait d’avoir à diverse reprises eu des attitudes, gestes et paroles déplacés à l’égard d’une salariée ayant entraîné pour celle-ci un état dépressif majeur » (Cass soc. 24 oct. 2012 n°11-20.085)
- les méthodes relationnelles, suppression des salutations culturelles, déconsidération auprès des collègues (moqueries, le fait de lancer des rumeurs etc), persécution.
Qu’est-ce que le harcèlement sexuel ?
Le harcèlement sexuel se manifeste par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui :
- portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant
- ou créent une situation intimidante, hostile ou offensante (article L. 1153-1 du Code du travail).
Sont assimilées au harcèlement sexuel les pressions, même non répétées, exercées dans le but d’obtenir un acte de nature sexuelle, que ce soit pour soi-même ou pour un tiers.
Il n’est pas nécessaire qu’il y ait une relation hiérarchique entre l’auteur des faits et la victime pour que le harcèlement soit caractérisé.
A savoir Les salariés ne sont pas les seuls protégés contre le harcèlement moral ou sexuel en entreprise. Sont aussi concernés les stagiaires, les personnes en formation, ainsi que les candidats à un emploi, un stage ou une formation (article L. 1154-1 du Code du travail).
Ce qu’interdit la loi
La loi interdit évidemment tout acte constitutif de harcèlement. Mais elle va plus loin. Elle interdit aussi toute sanction, discrimination ou licenciement à l’encontre d’un salarié ayant subi ou refusé de subir un harcèlement (articles L. 1152-2 et L.1153-2 du Code du travail). Les personnes témoignant ou relatant des faits de harcèlement bénéficient de la même protection (articles L1152-2 et L1153-3 du Code du travail).
A cet égard, la jurisprudence a opéré un revirement. Désormais, le licenciement d’un salarié pour avoir subi ou refusé de subir un harcèlement est nul.
Une obligation de prévention à la charge de l’employeur
L’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de résultat en matière de protection de leur santé et de leur sécurité. Cela signifie que dès lors que le harcèlement existe, même s’il est le fait d’un autre salarié ou supérieur, l’employeur a manqué à son obligation: le salarié doit donc être indemnisé. C’est pourquoi l’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour prévenir les agissements constitutifs de harcèlement moral ou sexuel (articles L. 1152-4 et L. 1153-5 du Code du travail).
Il collabore à cet effet avec les représentants du personnel, le médecin du travail et le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), s’il existe. De plus, les délégués du personnel disposent d’un droit d’alerte en cas de harcèlement. Ils peuvent saisir l’employeur qui doit procéder sans délai à une enquête et mettre fin à la situation.
Enfin, l’employeur est obligé d’afficher sur les lieux de travail les textes du Code pénal et du code du travail réprimant les harcèlements moral et sexuel. Cette obligation découle de l’obligation de prévenir les risques de harcèlement moral.
Les recours possibles
Avant tout contentieux, la victime de harcèlement peut engager une procédure de médiation. Le médiateur est choisi d’un commun accord entre les parties (article L. 1152-6 du Code du travail). Il peut s’agir d’une personne appartenant à l’entreprise. La médiation n’est pas obligatoire. Le salarié peut donc saisir directement le bureau de jugement sans avoir au préalable, à formuler une demande auprès du bureau de conciliation.
Si la médiation échoue, le salarié peut intenter une action auprès du Conseil de prud’hommes (ou du Tribunal administratifpour le secteur public). La charge de la preuve est « allégée », c’est-à-dire que le salarié doit apporter des faits qui peuvent faire présumer des faits de harcèlement moral. L’employeur devra à son tour démontrer que ses agissements ne constituaient pas des faits de harcèlement. Le salarié victime de harcèlement moral n’a pas à prouver l’intention de son auteur ; celle-ci n’est pas requise pour constituer le délit, il suffit que le harcèlement existe.
Les juges apprécient les éléments apportés par le salarié dans leur ensemble, afin de déterminer si les agissements constituent du harcèlement moral ou sexuel. Le salarié peut fournir :
- des certificats médicaux attestant d’un état dépressif lié à l’activité professionnelle
- des témoignages
- des échanges de courriers, d’emails, de sms douteux
- le compte rendu des entretiens d’évaluation attestant d’un travail satisfaisant
La prise d’acte d’un salarié victime de harcèlement moral a les effets d’un licenciement nul. Une résiliation judiciaire pour des faits de harcèlement a également les effets d’un licenciement nul.
Enfin, la victime peut porter l’affaire devant le tribunal correctionnel, dans un délai de 3 ans à compter des faits, pour obtenir une condamnation pénale, sans oublier de se porter partie civile pour obtenir des dommages et intérêts.
A savoir Si des faits relèvent à la fois du harcèlement moral et du harcèlement sexuel, les deux griefs doivent être explicitement et séparément mentionnés devant le juge.
Quelles sanctions ?
L’auteur du harcèlement peut être condamné au paiement d’importants dommages et intérêts. De plus, les harcèlements moral et sexuel sont des délits, punis de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende (articles 222-33 et 222-33-2 du Code pénal). La peine peut monter jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende pour le harcèlement sexuel avec circonstance aggravante : abus d’autorité, abus de faiblesse, etc.
Enfin, si l’auteur des agissements est un salarié, il encourt en plus une sanction disciplinaire, qui peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave (articles L. 1152-5 et L. 1153-6 du Code du travail).